J'arrête de rêver

Mise à jour 2024 : j’ai rédigé cet article il y a plusieurs mois ; depuis, j’ai pris la décision d’arrêter la fabrication de textiles.

 

J’arrête de développer Made in Bassin d’Arcachon. J’arrête le zéro déchet.
J’arrête de croire que les gens vont changer, que l’humanité va se réveiller, que j’ai encore 30 ans, que je peux travailler 60 heures par semaine depuis des mois sans y laisser ma santé.

Emportée par le négativisme ambiant, par une déferlante d’idées sombres, je songe à tout arrêter, même de rêver.


Chaque jour une nouvelle marque apparaît sur les réseaux sociaux. Une marque qui a fait les mêmes constats que nous, qui a les mêmes valeurs, les mêmes objectifs. Elle va révolutionner la mode et changer le monde.

Mais y-a-t-il de la place pour tous ? Quel est le sens de vouloir créer une marque de plus, quand l’idée de base est « consommer moins et mieux » ? Tout ceci me semble totalement incohérent. D’autant que la communication, indispensable pour se faire un Nom, exploite au maximum les réseaux sociaux et autres ressources internet, qui sont de véritables gouffres énergétiques (un facteur de plus sur la longue liste des activités liées au réchauffement climatique).

Le marketing est féroce dans le milieu des affaires ; trop souvent on essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Quand je découvre une nouvelle marque Made in France, je passe en mode « inspecteur Columbo ». Ne vous y trompez pas, tout est loin d’être aussi transparent qu’il n’y paraît et les communicants sont souvent des experts en brouillage de pistes.

Je suis lasse de ces techniques commerciales avec lesquelles je refuse de jouer ; je suis lasse de toutes ces incohérences.

  • Vérité n° 1 :
    Une marque éthique qui produit en France ne peut pas proposer des produits « discount »
    . Si c’est le cas, il y a obligatoirement des personnes qui en payent le prix quelque part dans la chaîne de fabrication (quand on cherche, on trouve).
  • Vérité n° 2 :
    Entre les dizaines de marques « soi-disant éthiques » qui voient le jour chaque année, les consommateurs qui veulent mieux consommer mais qui n’en ont pas vraiment les moyens, ceux qui se laissent séduire (c’est humain) par le dernier article à la mode et tous ceux qui (soyons honnêtes) n’en ont absolument rien à battre… le monde n’est pas prêt de changer.
  • Vérité n° 3 :
    Pour créer une marque il faut, soit être en mesure d’investir beaucoup d’argent dès le départ, soit pouvoir compter sur un très bon réseau professionnel et/ou amical. Avoir les deux c’est encore mieux mais sans moyens financiers ou techniques substantiels… vous allez ramer grave et vous finirez par douter de l’équilibre entre éthique et business.

Et s’il n’y avait que ça !


Zéro déchet, zéro stress, zéro viande… je défends une philosophie de vie plus douce, plus raisonnée. C’est peut-être un concept à la mode pour certains mais pour moi c’est fondamental.
Contrairement à ce que l’on peut penser, ça demande beaucoup d’énergie.

  • L’énergie de résister aux mirages de la société de consommation (ce n’est pas parce que l’on a fait le choix de « ralentir » que l’on décide de vivre dans une grotte)
  • L’énergie de répondre aux « agressions » de ceux qui n’ont pas fait ce choix mais qui se sentent agressés parce que nous, nous l’avons fait (la meilleure défense c’est l’attaque)
  • L’énergie de porter des valeurs écologiques et humaines dans un mode qui perd chaque jour un peu plus son humanité
  • L’énergie de rester positive malgré tous les marqueurs qui virent au rouge

Voilà où j’en suis… au creux de la vague, au fond du puit.

Alors oui, vous allez me dire que ça fait partie du guide du parfait entrepreneur, chapitre « ascenseur émotionnel » et dans quelques jours je « mangerai du lion » (le comble pour une végétarienne).

Pour l’heure, je n’ai pas les réponses à ces questions (mais si vous en avez, n’hésitez pas à les partager).


La seule chose que je sais, c’est que j’aime cette phrase qui me donne des ailes :

Dans 20 ans, tu seras plus déçu par les choses que tu n’auras pas faites que par celles que tu auras faites. Alors largues les amarres, sors du port, attrapes les alizés dans tes voiles. Explores. Rêves. Découvres.
MarkTwain